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Zandvoort: recommandation des Nations-Unies
On notera que la France
s'est contentée de n'informer le Rapporteur Spécial des
Nations-Unies que d'un seul CD ROM de Zandvoort contenant 8 000 images
pornographiques, alors qu'il y a 21 CD ROMS totalisant 90.081 victimes.
Pourtant, sa position est très claire est ne rejoint pas celle
de la France.
36. Dans sa note préliminaire,
le Rapporteur spécial a indiqué avoir été
informé de l’existence d’un CD ROM contenant 8 000
images pornographiques appelé CD ROM «Zandvoort», du
nom de la ville néerlandaise dans laquelle il a été
découvert. Un certain nombre de parents français y auraient
vu des images de leurs enfants. Les autorités françaises
ont examiné le CD ROM et l’ont transmis aux autorités
des autres pays qui à leur avis étaient concernés,
mais ont conclu que ces images dataient des années 70. Toutefois,
certains parents contestent cette conclusion, faisant valoir que certaines
des photos contiennent des preuves montrant clairement qu’elles
ont été prises récemment. Le Rapporteur spécial
a été informé que le CD ROM n’avait pas été
officiellement envoyé à Interpol pour être examiné
par ses experts et comparé à des images de sa base de données,
ce qui aurait vraisemblablement permis d’établir l’âge
des photos. Dans sa réponse du 4 avril 2003 à la note préliminaire
du Rapporteur spécial, le Gouvernement a indiqué que le
CD ROM avait été envoyé à Interpol en 1998
par les autorités néerlandaises. Toutefois, Interpol a indiqué
qu’il n’en avait reçu qu’une copie provenant
d’une ONG suisse et que les autorités néerlandaises
l’avaient simplement envoyé aux pays qui lui paraissaient
concernés. En outre, Interpol a indiqué qu’il appuierait
toute enquête nationale et que, s’il recevait le CD ROM assorti
d’une demande officielle émanant d’un organe national
chargé de l’application des lois, il l’examinerait
en se référant à sa base de données. En conséquence,
le Rapporteur spécial recommande de nouveau que la police française
adresse à Interpol une demande officielle de cette nature.
37. Concernant la pornographie
impliquant des enfants, le Gouvernement a indiqué au Rapporteur
spécial que la législation avait été modifiée
en vue d’englober toute représentation d’un enfant.
Des poursuites peuvent donc être engagées à l’encontre
tant des diffuseurs que des concepteurs de telles images non réelles.
En outre, la loi du 17 juin 1998 érige en circonstances aggravantes
l’utilisation d’un réseau de télécommunication
tel Internet pour commettre certaines infractions à caractère
sexuel contre des enfants.
RECOMMANDATION A LA FRANCE
88. Le Gouvernement
français devrait transmettre officiellement le CD ROM «Zandvoort»
à INTERPOL aux fins d’examen et de confirmation de l’âge
des photos qui y sont contenues.
Texte intégral
Conseil économique
et social
Distr.
GÉNÉRALE - E/CN.4/2004/9/Add.1 - 14 octobre 2003
Version FRANÇAIS Original: ANGLAIS
COMMISSION DES DROITS DE L’HOMME
Soixantième session
Point 13 de l’ordre du jour provisoire
DROITS DE L’ENFANT
Rapport présenté par
Juan Miguel Petit, Rapporteur spécial sur la vente d’enfants,
la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des enfants
- Additif - Mission en France, du 25 au 29 novembre 2002*
Résumé
Le Rapporteur spécial sur la
vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie
impliquant des enfants, Juan Miguel Petit, s’est rendu en France
du 25 au 29 novembre 2002. Il avait souhaité effectuer cette visite
après avoir reçu des informations au sujet d’un certain
nombre d’enfants français qui seraient victimes de pédophilie
et de pornographie, ainsi que de cas de traite d’enfants et de prostitution
des enfants.
Pendant sa visite, le Rapporteur spécial
s’est entretenu avec de hauts responsables du Gouvernement, des
membres de la police et du pouvoir judiciaire, des représentants
d’ONG, des victimes et des organisations et des personnes concernées.
Il s’est rendu au siège de l’Organisation internationale
de police criminelle (Interpol) et dans un centre pour enfants à
Chambon, et a parlé à des représentants des médias
français.
Le présent rapport est axé
sur la vente d’enfants dans le contexte de la traite et de la prostitution
des enfants, ainsi que sur la pornographie impliquant des enfants et sur
les liens entre ce phénomène et les abus sexuels sur enfants
au sein de la famille. En ce qui concerne la vente d’enfants, la
traite et la prostitution des enfants, il contient des informations fournies
au Rapporteur spécial par la Défenseure des enfants, la
police, des ONG et divers ministères. Selon ces informations, le
phénomène de la traite existe en France et concerne des
enfants originaires essentiellement d’Europe orientale, surtout
de Roumanie et d’Afrique de l’Ouest, mais aussi d’Asie,
notamment de pays comme l’Inde et la Chine. Beaucoup de ces enfants,
pour ne pas dire la plupart, sont aux mains de réseaux de trafiquants
et livrés de force à la prostitution. Le Gouvernement français
commence à travailler avec les autorités des pays concernés,
en particulier avec la Roumanie avec laquelle il a signé un accord
bilatéral en 2001 qui porte sur le retour des enfants dans ce pays.
Les informations concernant la pornographie
impliquant des enfants et les abus sexuels sur enfants émanent
de la police, du pouvoir judiciaire, de membres des professions médicales,
d’ONG et de personnes concernées. Selon ces informations,
la pornographie impliquant des enfants est parfois liée aux abus
sexuels sur enfants dans la famille, généralement lorsque
les parents sont séparés. Le Rapporteur spécial insiste
en particulier sur les procédures judiciaires visant à protéger
les enfants des auteurs présumés des abus, ainsi que sur
les allégations selon lesquelles les personnes qui tentent de mettre
les victimes à l’abri de nouveaux sévices sexuels
se trouvent parfois en butte à des sanctions disciplinaires, civiles
ou pénales.
Le présent rapport contient
un certain nombre de conclusions et de recommandations qui complètent
celles contenues dans la note préliminaire sur la mission présentée
par le Rapporteur spécial à la Commission des droits de
l’homme à sa cinquante neuvième session (E/CN.4/2003/79/Add.2).
Annexe
RAPPORT DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
SUR LA VENTE D’ENFANTS, LA PROSTITUTION DES ENFANTS ET LA PORNOGRAPHIE
IMPLIQUANT DES ENFANTS, JUAN MIGUEL PETIT, SUR SA MISSION EN FRANCE (25
29 novembre 2002)
TABLE DES MATIÈRES
Paragraphes Page
Introduction 1 - 3 4
I. HISTORIQUE DE LA VISITE 4 - 7 4
II. VENTE D’ENFANTS ET PROSTITUTION DES ENFANTS 8 - 30 5
III. LA PORNOGRAPHIE IMPLIQUANT DES ENFANTS ET
LES ABUS SEXUELS À L’ENCONTRE D’ENFANTS 31 66 10
IV. VISITE DU CENTRE POUR ENFANTS DE CHAMBON 67 71 18
V. CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS 72 90 19
Introduction
- Le Rapporteur spécial, Juan
Miguel Petit, s’est rendu en France (Paris, Saint Étienne
et Lyon) à l’invitation du Gouvernement français.
Il avait souhaité faire cette visite après avoir reçu
des informations au sujet d’un certain nombre d’enfants
français qui seraient victimes de pédophilie et de pornographie.
Il avait également reçu des informations au sujet des
efforts que la France déployait pour lutter contre le problème
de la traite d’enfants et de la prostitution des enfants. Le Rapporteur
spécial tient à remercier le Gouvernement français
du très haut niveau de coopération et d’assistance
dont il a bénéficié pendant toute sa visite.
- Durant sa mission, le Rapporteur
spécial a rencontré le Ministre délégué
à la famille, l’Ambassadeur chargé des droits de
l’homme, des représentants de haut niveau des Ministères
des affaires étrangères, de la justice et des affaires
sociales, du travail et de la solidarité, le Président
du Tribunal pour enfants, le Président du Tribunal de grande
instance, la Défenseure des enfants, des policiers de la Brigade
de la protection des mineurs et de l’Office central de répression
de la traite des êtres humains, le Comité national français
pour l’UNICEF et le Président de la Sous Commission «droits
de l’enfant» de la Commission nationale consultative des
droits de l’homme, et il s’est rendu dans un centre pour
enfants à Chambon (Saint Étienne). Il s’est entretenu
avec des représentants d’organisations non gouvernementales
(ONG), des universitaires et des médecins, ainsi qu’avec
des membres de l’Organisation internationale de police criminelle
(Interpol) à Lyon. Il a en outre rencontré des représentants.
- Étant donné que la
fin de la visite (29 novembre 2002) et la date limite fixée pour
la présentation de la documentation destinée à
la cinquante neuvième session de la Commission des droits de
l’homme (15 décembre 2002) étaient très proches,
une brève note préliminaire (E/CN.4/2003/79/Add.2) sur
la mission en France a été établie. Le présent
rapport contient les conclusions détaillées du Rapporteur
spécial, ainsi que des informations reçues depuis cette
mission.
I. HISTORIQUE DE LA VISITE
.
- À Genève, en avril
2002, le Rapporteur spécial s’est entretenu avec des représentants
d’ONG qui l’ont informé qu’un certain nombre
de Françaises déménageaient en Suisse et y vivaient
clandestinement avec leurs enfants, dans le but de se mettre à
l’abri de la justice française qui les obligeait à
confier régulièrement leurs enfants au mari ou au compagnon
dont elles étaient séparées. Ces femmes ont dit
avoir fui la France pour ne pas avoir à se conformer à
ces décisions de justice car elles avaient la conviction que
leurs enfants étaient victimes d’abus sexuels et parfois
utilisés par leur père ou d’autres personnes à
des fins de pornographie. Le Rapporteur spécial a également
reçu des informations sur d’autres cas dans lesquels un
parent, généralement la mère, avait choisi de rester
en France et de se conformer aux ordres d’un tribunal civil accordant
des droits de visite au père tout en intentant une procédure
pénale contre lui pour abus sexuels.
- Le Rapporteur spécial a reçu
des informations émanant d’un médecin qui avait
fait l’objet d’une série de mesures disciplinaires
du Conseil national de l’ordre des médecins, pour avoir
établi un certain nombre de certificats confirmant que les enfants
qu’elle avait examinés avaient été victimes
d’abus sexuels. Dans chaque cas, l’auteur présumé
des faits avait porté plainte devant le Conseil, accusant le
médecin d’avoir délivré des certificats de
complaisance, autrement dit de faux certificats, pour aider la mère
à obtenir la garde de l’enfant à l’issue de
la procédure de divorce. Le médecin a été
accusé de dénonciation calomnieuse, ainsi que d’avoir
porté de fausses accusations. Toutefois, selon les informations
reçues, ses diagnostics avaient été confirmés
par d’autres experts dans chaque cas.
- Le Rapporteur spécial a écrit
au Conseil national de l’ordre des médecins le 23 janvier
2002 au sujet de ces cas et a reçu une réponse détaillée
le 30 janvier 2002.
- Avant sa visite en France, le Rapporteur
spécial avait adressé deux communications au Gouvernement
concernant le cas de deux enfants qui seraient victimes de pornographie
impliquant des enfants et d’abus sexuels. Après sa visite,
il a porté un certain nombre de cas analogues à l’attention
du Gouvernement et, au moment de la présentation du présent
rapport, continuait d’être informé de nouveaux cas.
Pour protéger l’identité des enfants concernés,
leurs noms ne seront pas publiés dans le présent rapport
mais, comme dans tous les cas portés à l’attention
des gouvernements, les courriers qui leur ont été adressés
contenaient les détails pertinents, y compris les noms des victimes.
On trouvera au chapitre III des détails sur ces communications.
II. VENTE D’ENFANTS ET PROSTITUTION DES ENFANTS
- Le Rapporteur spécial a
reçu des informations détaillées concernant la
traite d’enfants et la prostitution impliquant des enfants émanant,
entre autres, de la Défenseure des enfants, de ministères
du Gouvernement, de la police, notamment de l’Office central de
répression du trafic des êtres humains et de la Brigade
de la protection des mineurs, ainsi que de plusieurs ONG.
La Défenseure des enfants
- La Défenseure des enfants,
Mme Claire Brisset, a indiqué que la prostitution était
en hausse et que les enfants étaient de plus en plus nombreux
à s’y livrer. Elle s’était rendue dans les
quartiers chauds de Paris avec les membres d’une ONG qui les sillonnent
en voiture pour apporter une aide aux prostitués, notamment sous
forme de produits alimentaires et d’articles d’hygiène,
et avait appris que les femmes et les enfants, y compris des garçons,
qu’elle rencontrait, venaient d’Europe orientale, de Roumanie
pour la plupart mais aussi de Bulgarie, ainsi que d’Afrique de
l’Ouest, et en particulier de Sierra Leone, du Libéria,
du Ghana et du Nigéria.
- Les femmes et les jeunes filles
d’Europe orientale sont souvent amenées de force en France
par des réseaux organisés qui les abusent par divers moyens,
soit qu’il leur promettent des emplois respectables et bien payés,
soit que certains de leurs membres nouent des relations amoureuses avec
elles, les rendant ainsi dépendantes d’eux et plus faciles
à manipuler. Lorsque la jeune fille est en France, les réseaux
n’hésitent pas à menacer les membres de sa famille
restés au pays pour s’assurer qu’elle obéira
aux ordres et se prostituera. Les jeunes roumains qui se prostituent
en France y sont venus à l’origine de leur propre gré,
ou sur l’ordre de réseau, pour voler l’argent des
parcmètres. Mais pendant le mois d’août, le parking
est gratuit et les garçons doivent trouver d’autres moyens
de survivre. Depuis 2000, les citoyens roumains n’ont plus besoin
de visa pour venir en France, et il est donc plus facile aux femmes
et aux enfants de s’y rendre ou aux trafiquants de les y faire
entrer illicitement.
- Les trafiquants donnent pour consigne
aux femmes et aux jeunes filles d’Afrique de l’Ouest qu’ils
introduisent illicitement en France pour qu’elles s’y prostituent
de dire aux autorités qu’elles viennent de zones de conflits,
afin de pouvoir demander l’asile. Si elles reconnaissent venir
de certains pays, comme le Nigéria, elles sont généralement
expulsées immédiatement.
- La plupart des enfants victimes
de la prostitution ont généralement de 15 à 18
ans et sont aux mains de souteneurs et de réseaux qui les équipent
de téléphones portables pour rester en contact avec eux
et leur ordonner de retourner au travail s’ils tentent de se reposer.
Aujourd’hui, un grand nombre de souteneurs et de proxénètes
vivent dans des pays voisins, comme la Belgique et l’Allemagne,
et chargent des prostitués plus anciens dans le métier
de surveiller les enfants. Les enfants victimes de la traite sont généralement
mis au travail à Paris pour commencer, puis souvent envoyés
dans d’autres villes, comme Bordeaux et Marseille.
La police
- Le Rapporteur spécial a
rencontré des représentants de trois services de la police
- l’Office central de répression de la traite des êtres
humains, qui lui a donné des informations sur la traite d’enfants
et la prostitution des enfants, la Division nationale pour la répression
des atteintes aux personnes et aux biens, qui l’a mis au courant
de ce qu’elle faisait pour lutter contre la pornographie impliquant
des enfants, et la Brigade de la protection des mineurs, qui s’occupe
de ces deux questions.
- L’Office central de répression
de la traite des êtres humains a été créé
en 1958 et relève directement de la Direction centrale de la
police judiciaire. Il coordonne l’action des différents
services qui luttent contre la traite et la prostitution. Chacune des
divisions de la police judiciaire comporte une brigade de lutte contre
la prostitution. Selon l’Office, s’il est vrai que la prostitution
se développe considérablement, l’utilisation de
mineurs à cette fin est un phénomène relativement
nouveau et la plupart des victimes font l’objet d’un trafic
en provenance d’Europe orientale et d’Afrique de l’Ouest.
- L’Office a dit au Rapporteur
spécial qu’il parvenait à démanteler une
vingtaine de réseaux chaque année. Toutefois, les mineurs
auxquels il avait eu affaire au cours de ses opérations n’avaient
généralement pas loin de 18 ans, il n’avait pas
encore démantelé de réseaux portant uniquement
sur des enfants et ne pouvait pas en confirmer l’existence. Il
est extrêmement difficile de déterminer l’âge
des victimes étant donné que la plupart des femmes et
des enfants arrivent en France avec des pièces d’identité
fausses, ou sans papiers du tout. Un examen aux rayons X permet de déterminer
l’âge approximatif de l’intéressé d’après
ses os, mais il n’est pas entièrement fiable.
- Selon les estimations de l’Office,
le nombre de prostitués connus travaillant en France est de 15
000 à 18 000, dont la moitié à Paris. Pour les
prostitués qui travaillent dans des lieux publics à Paris,
comme la rue, mais sans compter ceux qui opèrent dans les bars
par exemple, l’Office a fourni les chiffres suivants qui comprennent
à la fois les mineurs et les adultes: 44 % sont Français
et 56 % étrangers. Sur les non Français, 45,7 % viennent
d’Europe orientale et des Balkans, et 37 % d’Afrique.
- En 2001, 466 souteneurs ont été
mis en examen et emprisonnés pour exploitation de la prostitution,
dont 341 (73 %) étaient des hommes; 243 étaient Français.
Leurs victimes étaient au nombre de 607, dont 21 hommes et 586
femmes; 418 (70 %) étaient étrangers et les 189 autres
étaient Français. L’Office estime que 95 % des prostitués
étrangers travaillent pour un souteneur.
- L’Office indique avoir constaté
une légère diminution de ces cas depuis que la police
s’y intéresse de plus près. Certains souteneurs
et proxénètes sont allés ailleurs, essentiellement
en Espagne, en Italie, en Allemagne et en Belgique.
- Le Rapporteur spécial a
rencontré des membres de la Brigade de la protection des mineurs
de Paris, qui compte 73 membres répartis en deux sections, l’une
s’occupant des problèmes intrafamiliaux et l’autre
de ceux qui se posent en dehors de la famille, y compris la prostitution.
La Brigade a indiqué que la situation particulière des
enfants des rues et des enfants qui se prostituent à Paris n’était
pas représentative de ce qui se passait dans le pays dans son
ensemble, mais elle a confirmé que les jeunes étrangers
qui étaient attirés à Paris travaillaient aussi
dans des villes méditerranéennes et que la situation des
jeunes roumains était particulièrement préoccupante.
Elle a en outre exprimé des doutes quant à l’existence
de réseaux hautement organisés, spécialisés
dans la traite d’enfants et la prostitution impliquant des enfants.
- La Brigade a expliqué comment
elle procédait dans le cas d’un mineur prostitué.
Une nouvelle loi, entrée en vigueur en 2001, autorise la police
à arrêter les personnes soupçonnées d’être
les clients de prostitués de moins de 18 ans, même avant
l’acte sexuel. Auparavant, solliciter les services sexuels d’un
mineur n’était un délit que si celui ci avait moins
de 15 ans. La nouvelle loi autorise la police à procéder
à une arrestation lorsqu’elle voit un individu se comporter
d’une manière suspecte avec un jeune dont elle soupçonne
qu’il est mineur, ou lorsqu’elle voit l’enfant monter
dans la voiture de l’individu. Après l’arrestation,
le client comme le mineur sont amenés au siège de la Brigade
où le client est détenu et interrogé. Les mineurs
qui racolent peuvent aussi être arrêtés, même
s’ils n’ont pas de clients, car ils sont considérés
comme des enfants en danger.
- L’enfant est photographié
et amené aux urgences de l’hôpital où il ou
elle est examiné(e), y compris aux rayons X, pour déterminer
son âge approximatif. Si l’hôpital confirme que l’intéressé
a moins de 18 ans, la Brigade poursuivra la procédure pénale
contre le client qu’elle a arrêté. La police a pour
instructions de considérer l’enfant comme la victime.
- La police s’efforcera d’obtenir
des renseignements précis de l’enfant qui, très
souvent, ne dira pas la vérité. Une mesure de protection
éducative est prise dans la plupart des cas, qui consiste généralement
à placer l’enfant dans un foyer temporaire pour quelques
jours en attendant qu’il soit décidé de son avenir
immédiat. En septembre 2001, la France et la Roumanie ont signé
un accord bilatéral en vertu duquel, lorsque la France renvoie
un enfant roumain dans son pays, celui ci bénéficiera
d’une assistance et d’un suivi après son retour pour
ne pas se retrouver dans la situation qui l’a contraint à
partir. La Brigade indique toutefois que la majorité de ces enfants
s’enfuient des foyers temporaires avant d’être renvoyés
chez eux ou placés dans un établissement éducatif.
- La Brigade de la protection des
mineurs a indiqué qu’en 2002, 83 mineurs - 68 garçons
et 15 filles - avaient été conduits à son siège
après avoir été arrêtés pour racolage.
Aucun d’entre eux n’avait de papiers d’identité
mais il est apparu que 60 d’entre eux venaient de Roumanie - 53
garçons et 7 filles. La majorité des 83 enfants étaient
âgés de 16 ans ou plus.
Organisations non gouvernementales
- Le Rapporteur spécial a rencontré
des membres de plusieurs ONG qui s’occupent des enfants des rues,
des enfants qui se prostituent ou des jeunes victimes de la traite.
Les ONG ont confirmé que le nombre d’enfants qui se prostituaient
était en hausse et elles avaient le sentiment que les autorités
avaient conscience de l’ampleur croissante du problème.
25. Certaines des ONG opèrent en envoyant des équipes
d’éducateurs dans la rue pour tenter de gagner la confiance
des enfants en nouant des liens avec eux. Toutefois, les éducateurs
se rendent souvent comptent que les enfants font partie d’un réseau
qui les surveille de près et qu’il est donc difficile de
prendre contact avec eux. Lorsqu’ils y parviennent, ils invitent
les enfants à venir dans leur bureau où ils peuvent se
nourrir, recevoir des soins de santé de base et parler au personnel
qui les encourage à envisager d’autres modes de vie. Une
fois que le contact a été pris, les éducateurs
tentent de voir l’enfant chaque jour. Une ONG a indiqué
qu’elle accueillait quotidiennement dans son centre de 20 à
40 enfants qui venaient des squats dans lesquels ils vivaient dans la
banlieue parisienne; son programme s’étendait à
la ville tout entière. Elle accueillait des enfants d’Afrique
de l’Ouest e.
- Le Rapporteur spécial a reçu
des informations sur les problèmes particuliers des jeunes victimes
de la traite qui arrivaient non accompagnés, des migrants pour
des raisons économiques et des demandeurs d’asile en France.
Les études montrent qu’environ 35 % des enfants dans ce
cas arrivent par avion, 30 % par train, 20 % par bateau et 15 % à
pied. Un grand nombre d’entre eux ont accepté auparavant
de payer aux trafiquants un prix qui représente parfois plus
de 10 années de travail en Europe mais doivent, s’ils sont
renvoyés, rembourser leur dette dans leur pays d’origine
ce qui peut les conduire à une vie entière d’esclavage.
La situation dans laquelle certains de ces enfants se trouvent lorsqu’ils
arrivent en France et sont placés dans les «zones d’attente»
des aéroports français est particulièrement préoccupante.
Dans ces zones, qui ne sont pas considérées comme étant
en territoire français, les enfants se trouveraient dans un vide
juridique; ils y sont «retenus» plutôt que «détenus»,
et tombent sous le coup de la loi applicable aux adultes. Un grand nombre
d’enfants qui n’ont pas de papiers en bonne et due forme
sont immédiatement renvoyés dans le pays dont ils sont
censés venir, alors que d’autres peuvent être «retenus»
dans les «zones d’attente» pendant une période
pouvant aller jusqu’à quatre jour avant de comparaître
devant un tribunal.
- Après sa mission en France,
le Rapporteur spécial a reçu le témoignage de deux
garçons chinois âgés de 14 et 15 ans qui sont arrivés
à Paris en janvier et mars 2003, respectivement, et reçoivent
actuellement l’aide d’ONG. On trouvera leur témoignage
dans les paragraphes suivants.
- Enfant «Y. M.»:
«Je suis arrivé avec quatre autres Chinois - trois filles
et un garçon âgés de 16 à 18 ans. On nous
a fait entrer dans une pièce, et le lendemain la police nous
a dit que nous serions renvoyés à Singapour. Nous ne voulions
pas partir et nous avons pleuré car, dans la zone d’attente,
on nous avait dit qu’à Singapour nous serions jetés
en prison. Dans la voiture, en route vers l’avion, nous nous sommes
accrochés et nous avons résisté en criant et finalement
l’avion est parti sans nous. La police nous a enfermés
dans une petite pièce sans fenêtre. C’était
le matin. La police nous a frappés, y compris les filles. Nous
n’avons rien eu à manger ni à boire jusqu’au
soir. Vers 2 heures du matin, la police nous a ramenés dans la
petite pièce où nous sommes restés pendant deux
jours.»
- Après cette épreuve,
les enfants ont comparu devant un tribunal. Avant de parler au juge,
le garçon a rencontré une jeune chinoise qui était
née en France et qui lui a conseillé de dire au juge qu’elle
était sa cousine. C’est ce que le garçon a fait,
et il a été libéré. Il a été
emmené dans un foyer puis pris en charge par une ONG.
- Enfant «W»:
«Je suis né en 1987, à Quing Tian. Mes parents sont
agriculteurs. J’ai dû quitter l’école à
13 ans et commencer de travailler parce que mes parents étaient
pauvres et n’avaient pas les moyens de payer mes études.
Ils m’ont envoyé travailler dans la ville de Wenzhou, dans
un atelier de couture. J’y ai travaillé pendant près
de trois ans, sept jours par semaine de 6 heures du matin à 10
heures du soir. Je gagnais 400 yen par mois, somme sur laquelle 100
yen seulement (environ 15 euros) m’étaient versés
directement. Le reste était versé à mes parents.
Mon patron a suggéré que j’aille en France parce
que j’y gagnerais davantage. J’ai accepté parce que
je n’avais aucune raison de rester en Chine. Mon patron a organisé
mon voyage et payé mon billet d’avion. Dès que je
serais arrivé en France, l’un de ses amis devait me trouver
du travail.
Je suis arrivé à l’aéroport de Roissy-Charles
de Gaulle en mars 2003, un matin de bonne heure. Je ne sais pas quelle
compagnie aérienne m’a transporté ni le numéro
du vol, mais seulement que j’ai quitté Beijing et suis
allé en Guinée où j’ai changé d’avion
avant d’arriver à Paris. Un passeport m’avait été
remis, mais je ne sais pas s’il contenait un visa parce que je
ne sais pas à quoi cela ressemble. La police m’a pris mon
passeport et celui-ci ne m’a pas été rendu.
À mon arrivée, la police m’a demandé par
l’intermédiaire d’un interprète, si je voulais
retourner en Chine. J’ai refusé. L’interprète
est reparti. Deux policiers ont essayé de me mettre dans un avion.
J’étais menotté à l’un des policiers
et j’ai mordu l’un d’eux au bras. Trois autres policiers
sont arrivés et tous les cinq m’ont battu et tapé
sur le dos, la poitrine et le visage. Cela a duré une quinzaine
de minutes dans un couloir sans fenêtre situé près
de l’avion.
Toujours menotté, j’ai été emmené
à un poste de police où je suis resté deux heures.
Trois autres étrangers s’y trouvaient également.
J’ai été tapé à plusieurs reprises
par les policiers. Ils m’ont ensuite emmené chez un docteur
qui m’a demandé où j’avais mal. Il a examiné
mon visage et mes mains et a établi un certificat que la police
a gardé. J’ai été ensuite ramené au
poste de police. Un autre interprète est arrivé et m’a
demandé ce qui s’était passé. Je le lui ai
dit et il m’a demandé de signer quelque chose mais je n’ai
pas compris ce que c’était. Dans la soirée, j’ai
été emmené à un hôpital et examiné
par un docteur. À mon retour, j’ai été enfermé
dans une salle avec une centaine d’autres personnes. Nous étions
si nombreux qu’il n’était pas possible de se coucher
pour dormir. Pour aller aux toilettes, nous devions former un groupe
assez nombreux pour que les policiers acceptent de nous y accompagner.
Je suis resté dans cette salle cinq jours durant. Je n’ai
été autorisé à en sortir qu’une seule
fois, le quatrième jour, pour être présenté
à un juge qui a refusé de me libérer. Après
cinq jours, j’ai été transféré dans
une salle où il y avait cinq lits mais où se trouvaient
déjà sept ou huit autres Chinois. La police a essayé
de nouveau de me mettre dans un avion pour la Chine mais ils n’ont
pas eu le temps de nous faire tous monter. Finalement, six seulement
de mes compatriotes ont été mis dans l’avion.
Après 12 jours dans la “zone d’attente”, j’ai
été présenté à un autre juge qui
m’a remis en liberté parce que j’étais mineur.
Lorsque l’interprète m’a dit que j’étais
libre, je suis parti immédiatement sans retourner dans la “zone
d’attente” prendre mes affaires. Je me suis rendu à
Paris à pied et j’ai dormi de nombreuses nuits dans les
rues. J’avais quelques dollars pour acheter de la nourriture.
Quelques Chinois que j’ai rencontrés m’ont parlé
d’une association qui pourrait m’aider et je suis donc arrivé
à leur centre d’accueil.».
III. LA PORNOGRAPHIE
IMPLIQUANT DES ENFANTS ET LES ABUS SEXUELS À L’ENCONTRE
D’ENFANTS
- Le Rapporteur spécial s’est
entretenu avec la Division nationale de la police chargée de
la répression des atteintes aux personnes et aux biens, composée
de cinq fonctionnaires, qui s’occupe de certaines agressions contre
les mineurs. La Division s’occupe principalement des infractions
commises à l’étranger, en particulier, celles relevant
de la pornographie impliquant des enfants, et reçoit des renseignements
de services de police étrangers concernant des Français
soupçonnés d’actes pédophiles. S’agissant
de la pornographie impliquant des enfants sur l’Internet, lorsque
l’adresse IP (Protocole Internet) est identifiable, la Division
s’efforce de retrouver l’adresse physique de la personne
concernée puis l’appréhende, fouille l’ordinateur
et tente d’identifier l’enfant (ou les enfants) impliqué(s).
Des opérations récentes ont permis d’identifier
des enfants en Russie, aux États-Unis et aux Pays-Bas, dont certains
avaient été photographiés dans des studios professionnels
de photographie.
- La Division reçoit chaque
année des milliers d’adresses électroniques de localisateurs
de ressources uniformes et réussit à en identifier quelques
centaines. Chaque année, le travail de la Division permet de
procéder à 40 ou 50 arrestations. La gamme des personnes
qui consultent des sites pornographiques impliquant des enfants va d’étudiants
guidés par la curiosité à des personnes qui recherchent
de la pornographie dure. Normalement, la Division n’engage pas
des poursuites si elle trouve une ou deux images sur un ordinateur.
En revanche, si elle en trouve beaucoup, des poursuites sont engagées
contre l’intéressé.
- La Division a indiqué qu’environ
un million d’images d’actes pornographiques
impliquant des enfants sont disponibles à l’échelle
mondiale et qu’elle collabore avec Interpol, l’Office européen
de police (Europol) et la Gendarmerie nationale pour i) déterminer
quelles images sont déjà connues; ii) classer les images
en catégories et iii) identifier les victimes et les coupables.
La Division a indiqué qu’elle avait découvert l’existence
de liens très étroits entre des individus impliqués
dans la pornographie et, dans certains cas, des membres du corps judiciaire.
- La Brigade des mineurs s’occupe
également de la question de la pornographie impliquant des enfants
mais n’est pas légalement habilitée à infiltrer
les réseaux pédophiles et pornographiques. La Brigade
a émis des doutes quant à l’existence de «réseaux»
pornographiques impliquant des enfants en tant que tels, mais a reconnu
que nombre d’adultes sur lesquels elle avait enquêté
pour possession et distribution d’images pornographiques avaient
des relations sociales très influentes.
- Avant et pendant son séjour
en France, le Rapporteur spécial a reçu des informations
selon lesquelles l’élaboration de matériel pornographique
impliquant des enfants français était souvent liée
à des abus sexuels infligés à des enfants au sein
du foyer. Il a reçu des allégations selon lesquelles des
parents et amis de la famille commettaient des abus sexuels sur des
enfants et, parfois, confectionnaient du matériel pornographique
à partir de ces actes.
36. Dans sa note préliminaire, le Rapporteur spécial
a indiqué avoir été informé de l’existence
d’un CD ROM contenant 8 000 images pornographiques appelé
CD ROM «Zandvoort», du nom de la ville néerlandaise
dans laquelle il a été découvert. Un certain nombre
de parents français y auraient vu des images de leurs enfants.
Les autorités françaises ont examiné le CD ROM
et l’ont transmis aux autorités des autres pays qui à
leur avis étaient concernés, mais ont conclu que ces images
dataient des années 70. Toutefois, certains parents contestent
cette conclusion, faisant valoir que certaines des photos contiennent
des preuves montrant clairement qu’elles ont été
prises récemment. Le Rapporteur spécial a été
informé que le CD ROM n’avait pas été officiellement
envoyé à Interpol pour être examiné par ses
experts et comparé à des images de sa base de données,
ce qui aurait vraisemblablement permis d’établir l’âge
des photos. Dans sa réponse du 4 avril 2003 à la note
préliminaire du Rapporteur spécial, le Gouvernement a
indiqué que le CD ROM avait été envoyé à
Interpol en 1998 par les autorités néerlandaises. Toutefois,
Interpol a indiqué qu’il n’en avait reçu qu’une
copie provenant d’une ONG suisse et que les autorités néerlandaises
l’avaient simplement envoyé aux pays qui lui paraissaient
concernés. En outre, Interpol a indiqué qu’il appuierait
toute enquête nationale et que, s’il recevait le CD ROM
assorti d’une demande officielle émanant d’un organe
national chargé de l’application des lois, il l’examinerait
en se référant à sa base de données. En
conséquence, le Rapporteur spécial recommande de nouveau
que la police française adresse à Interpol une demande
officielle de cette nature.
37. Concernant la pornographie impliquant des enfants, le Gouvernement
a indiqué au Rapporteur spécial que la législation
avait été modifiée en vue d’englober toute
représentation d’un enfant. Des poursuites peuvent donc
être engagées à l’encontre tant des diffuseurs
que des concepteurs de telles images non réelles. En outre, la
loi du 17 juin 1998 érige en circonstances aggravantes l’utilisation
d’un réseau de télécommunication tel Internet
pour commettre certaines infractions à caractère sexuel
contre des enfants.
38. Un site gouvernemental interministériel (www.internet-mineurs.gouv.fr)
a été mis en ligne en novembre 2001. Les internautes ont
accès à un formulaire de signalement en ligne et à
une adresse e mail. Le site Web offre des liens entre les Ministères
de la justice, de l’intérieur, de la défense et
de la famille et envoie les signalements à une base de données
gérée par l’Office central de lutte contre la criminalité
liée aux technologies de l’information et de la communication.
De nombreux signalements sont transmis à Interpol lorsque les
sites sont établis à l’étranger et au parquet
territorialement compétent lorsque les actes consécutifs
d’infractions pénales sont commis sur le territoire national.
Cas transmis au Gouvernement français
39. À titre d’exemple des sujets de préoccupation
qui ont été portés à l’attention du
Rapporteur spécial et signalés au Gouvernement français,
trois cas sont décrits ci après.
Cas no 1: enfant S
40. Le 26 avril 2002, le Rapporteur spécial a adressé
au Gouvernement français une lettre concernant la situation de
l’enfant S, né en 1998, qui, selon les informations reçues,
avait été victime d’abus sexuels et utilisé
pour la réalisation de films et photographies pornographiques.
Ses parents étaient séparés et les abus auraient
été commis par le père dans le cadre de l’exercice
de son droit de visite. En mars 1998, l’enfant a été
examiné par un médecin qui a confirmé qu’elle
avait été abusée sexuellement et, en juin de la
même année, le juge aux affaires familiales du Tribunal
de grande instance de Paris a réduit le droit d’accès
du père à l’enfant à une visite, le samedi
après midi, une semaine sur deux, sous surveillance. Tout en
reconnaissant que ces mesures avaient été prises sachant
que l’enfant courrait le risque d’abus sexuels, le Rapporteur
spécial restait préoccupé par le fait que l’enfant
était apparemment forcée, contre son gré, à
passer du temps avec son père. Apparemment, elle était
très angoissée et perturbée avant chaque visite.
En 2001, l’enfant S aurait été identifiée
par la National Crime Squad britannique comme étant le sujet
d’une photographie pornographique.
41. Le 24 septembre 2002, le Gouvernement français a répondu
au Rapporteur spécial lui indiquant qu’une enquête
avait été effectuée en 1998 à la suite des
allégations d’abus sexuels et, qu’en 1999, le parquet
de Paris avait classé les plaintes sans suite faute de preuves
suffisantes. Une enquête était en cours en vue d’établir
si l’enfant était bien la personne qui figurait sur les
documents pornographiques et le père était entendu en
qualité de témoin mais n’était pas en examen.
Le Gouvernement a indiqué en outre que la mère n’avait
formulé aucune demande visant à modifier ou supprimer
le droit de visite du père.
Cas no 2: enfant P
42. Le 31 juillet 2002, le Rapporteur spécial a adressé
au Gouvernement français un appel urgent concernant la situation
d’une femme qui s’était rendue en Suisse avec son
enfant, P, né en 1997. L’intéressée avait
porté plainte contre son ex compagnon, le père de l’enfant,
pour abus sexuels sur l’enfant. Cette plainte avait été
classée sans suite bien qu’un médecin lui ait apparemment
confirmé que l’enfant avait été abusé
sexuellement. Plutôt que de continuer de remettre l’enfant
à son ex compagnon conformément au droit de visite de
ce dernier, l’intéressée s’est rendue en Suisse
pour y demander l’asile politique. Peu après son départ
de la France, elle a été condamnée par le Tribunal
correctionnel de Paris à un an de prison ferme pour non présentation
de l’enfant à son père. Un mandat d’arrêt
international a été délivré et elle a été
arrêtée en Suisse en juin 2002. Son enfant a été
placée dans un foyer d’hébergement spécialisé
pour enfants de son âge. La mère aurait entamé une
grève de la faim. Dans sa lettre, le Rapporteur spécial
a demandé au Gouvernement français de prendre toutes les
mesures nécessaires pour protéger l’enfant contre
les abus sexuels et pour donner à la mère l’assurance
que de telles mesures seraient prises.
43. Dans sa réponse, en date du 8 novembre 2002, le Gouvernement
français a confirmé que la mère de l’enfant
avait déposé une plainte en février 2000 contre
son ex compagnon pour abus sexuels à l’encontre de l’enfant
P, mais que le certificat médical n’avait révélé
aucune lésion traumatique gynécologique chez l’enfant.
La Brigade des mineurs de Paris a procédé à une
enquête et entendu le père de l’enfant. Ensuite,
la mère de l’enfant a fait examiner l’enfant par
un médecin différent après chaque visite avec le
père sans qu’aucun traumatisme gynécologique ait
pu être constaté. La plainte a été classée
sans suite en juillet 2000. En novembre 2001, le juge aux affaires familiales
a maintenu l’exercice conjoint de l’autorité parentale
et fixé le droit de visite du père à une fin de
semaine sur deux, un mercredi sur deux, la moitié des petites
vacances scolaires et 15 jours durant les vacances d’été.
Le Gouvernement a indiqué que la mère ayant refusé
de se conformer à cette décision, le père avait
déposé une plainte.
44. Le Gouvernement a indiqué qu’il considérait,
vu l’enquête effectuée par la police, que les allégations
d’abus sexuels n’étaient pas fondées, et qu’il
convenait de noter que la mère, au lieu de faire appel de la
décision rendue par le juge en novembre 2001, avait décidé
de quitter la France.
Cas 3: enfant L
45. À la suite de sa mission, le 12 décembre 2002, le
Rapporteur spécial a adressé au Gouvernement français
un appel urgent, conjointement avec le Rapporteur spécial sur
la liberté d’opinion et d’expression. Cet appel concernait
la situation de l’enfant L, né en 1993. D’après
les informations reçues, ce garçon avait été
abusé sexuellement par son père dès l’âge
de 3 ans. Des abus sexuels auraient été confirmés
en 1996 par des médecins et psychiatres spécialisés
qui ont estimé que l’enfant souffrait d’une maladie
sexuellement transmissible. L’enfant aurait affirmé que
son père et d’autres individus avaient réalisé
des films et des photographies pornographiques de lui. D’après
les informations reçues, le garçon avait affirmé
de façon constante qu’il ne voulait pas vivre avec son
père à la garde duquel il avait été confié.
Il subirait continuellement des agressions émotionnelles et physiques
commis par son père et serait devenu suicidaire.
46. Dans sa réponse datée du 5 février 2003, le
Gouvernement a indiqué qu’à la suite de la plainte
déposée en 1996 par la mère de l’enfant L
contre le père de l’enfant, le garçon avait subi
un examen médico psychiatrique qui n’avait pas confirmé
qu’il était victime d’abus sexuels. En conséquence,
la plainte contre le père a été classée
sans suite. La mère a alors saisi en référé
le juge aux affaires familiales pour faire suspendre le droit de visite
du père. Cette demande a été rejetée.
47. En 1998, la cour d’appel a fixé la résidence
de l’enfant chez son père et a accordé à
la mère un droit de visite et d’hébergement. Dans
sa réponse, le Gouvernement a indiqué que les psychiatres
et les psychologues qui avaient examiné l’enfant estimaient
que ce dernier avait mal interprété des gestes tendres
ou maladroits de son père et que la mère, qui avait été
également examinée par un psychiatre, s’était
persuadée que son fils subissait des abus. En 2000, la mère
a de nouveau déposé une plainte contre le père
pour abus sexuels, au vu d’une photographie extraite d’un
CD-ROM contenant de nombreuses images pornographiques sur laquelle elle
aurait reconnu son fils. Le juge aux affaires familiales a alors fixé
la résidence de l’enfant chez la mère et accordé
au père un droit de visite s’exerçant dans un lieu
neutre. Cette décision a été réformée
par la cour d’appel qui a estimé qu’il n’existait
aucun élément nouveau permettant de modifier la décision
initiale de fixer la résidence de l’enfant chez son père,
et que l’enquête avait révélé que l’enfant
représenté sur le CD-ROM n’était pas l’enfant
L.
48. Dans les trois cas susmentionnés, le Rapporteur spécial
a continué de recevoir des informations émanant des mères
des enfants et des ONG travaillant avec les familles, indiquant qu’elles
continuaient de considérer que les enfants restaient exposés
à des risques d’abus sexuels et/ou émotionnels.
49. Le 6 mai 2003, le Rapporteur spécial a soumis au Gouvernement
français 13 nouveaux cas. Comme pour les trois cas présentés
ci dessus, le Rapporteur spécial n’est pas en mesure de
juger quant au fond chaque élément de preuve qui lui est
soumis à leur sujet. Cependant, les similitudes entre de nombreuses
allégations qui lui ont été présentées
suscitent chez lui des préoccupations persistantes quant à
la manière dont de telles situations sont traitées par
la justice française.
50. Dans sa lettre du 6 mai 2003 et dans les 13 nouveaux cas soumis
à cette date, le Rapporteur spécial a évoqué
les énormes difficultés auxquelles sont confrontées
les personnes, en particulier les mères, qui portent plainte
contre ceux qu’elles soupçonnent d’abuser de leurs
enfants sachant qu’elles s’exposent à des mesures
éventuelles pour accusations fallacieuses, mesures qui, dans
certains cas, peuvent conduire à la perte de la garde de leur(s)
enfant(s). Certaines de ces mères utilisent les voies de recours
légales jusqu’à ce qu’elles n’aient
plus les moyens de payer les frais d’assistance juridique; il
leur reste alors seulement le choix entre continuer de remettre l’enfant
à celui qui, selon elles, abuse d’elle ou de lui, ou de
chercher refuge avec l’enfant à l’étranger.
Il semblerait même que certains juges et avocats, conscients des
faiblesses du système judiciaire, ont conseillé officieusement
à certains parents d’agir de la sorte. Ces parents s’exposent
à des poursuites pénales pour de tels actes en France
et, souvent, dans le pays où elles se rendent.
51. Il a été signalé au Rapporteur spécial
que la crédibilité des allégations faites par les
mères concernant les abus sexuels commis contre leurs enfants
était contestable du fait qu’elles étaient invariablement
émises au cours de procédures de divorce. Cela laisse
entendre que de telles allégations seraient un moyen d’obtenir
que la garde de l’enfant soit confiée à la mère.
Le Rapporteur spécial est conscient de cette possibilité
et a été informé que, dans certains cas, des avocats
auraient conseillé à leurs clients de faire de telles
fausses allégations. Toutefois, dans au moins plusieurs cas qui
ont été présentés au Rapporteur spécial,
un examen particulièrement approfondi de certaines des raisons
pour lesquelles les parents divorçaient a révélé
l’existence d’abus systématiques au sein de la famille,
y compris des violences contre la mère. En conséquence,
peut être serait il plus exact d’envisager la question des
abus sexuels sur l’enfant comme étant l’une des raisons,
sinon la principale raison du divorce. Il importe également de
noter que dans certains cas portés à l’attention
du Rapporteur spécial, des accords concernant la garde avaient
déjà été conclus d’un commun accord
et qu’aucune des parties n’avait un motif apparent de porter
de fausses accusations contre l’autre.
52. Dans plusieurs cas qui ont été communiqués
au Rapporteur spécial, il a été signalé
que les individus accusés de commettre des abus étaient
étroitement liés à des membres de l’appareil
judiciaire ou à des individus occupant de hautes fonctions dans
l’administration publique, qui étaient en mesure d’influencer
l’issue des procédures à leur détriment,
argument qui avait été également formulé
par la Division nationale pour la répression des atteintes aux
personnes et aux biens.
53. Depuis la visite du Rapporteur spécial en France, d’autres
cas ont été portés à son attention mais
tous n’ont pas été transmis au Gouvernement français.
Certains étaient dépourvus de détails importants
et les personnes concernées n’ont pas pu être contactées
pour fournir des éclaircissements. Certains cas n’ont pas
été traités car les allégations ne relevaient
pas du mandat du Rapporteur spécial, par exemple ceux comportant
l’enlèvement d’un enfant par l’un de ses parents,
qui n’étaient pas liés à une exploitation
sexuelle, ou les cas de sévices physiques non sexuels. Il continuera
de porter à l’attention du Gouvernement français
les cas relevant de son mandat qui pourront lui être signalés.
Droits de l’enfant d’être entendu
54. Le Rapporteur spécial juge particulièrement préoccupantes
des informations selon lesquelles l’enfant n’a pas le droit
d’être automatiquement entendu dans le cadre des procédures
civiles visant à fixer la garde de l’enfant. Quoique les
tribunaux civils aient la possibilité d’entendre l’enfant
lorsque le Président du tribunal le juge utile, il semblerait
que l’enfant ne soit pas entendu dans la quasi-totalité
des cas. Toutefois, dans sa réponse du 3 avril, le Gouvernement
a affirmé ce qui suit:
«Au delà de la parole de l’enfant qui peut être
prise en compte et restituée au juge, l’audition de l’enfant
par le magistrat personnellement peut toujours être ordonnée.
Lorsque le mineur en fait lui même la demande, cette audition
ne peut être refusée que par une décision spécialement
motivée. Des dispositions particulières sont par ailleurs
prévues quant au déroulement de cette audition puisqu’aux
termes de l’article 388 1 du Code civil, l’enfant peut être
assisté d’un avocat ou de toute personne de son choix.
Cependant, afin de prévenir les risques de pression d’un
adulte et garantir, dans la mesure du possible, la libre expression
de l’enfant, il est prévu que si ce choix n’apparaît
pas conforme à son intérêt, le juge peut procéder
à la désignation d’une autre personne. L’intervention
de l’administrateur ad hoc chargé d’accompagner et
de représenter le mineur victime tout au long de la procédure
en cas d’opposition d’intérêt entre le mineur
et ses représentants légaux est possible.
Depuis la loi du 17 juin 1998 (entrée en vigueur) l’enfant
victime peut être accompagné par un psychologue, un médecin
spécialiste des enfants, un membre de sa famille ou l’administrateur
ad hoc désigné ou même par une personne mandatée
par le juge des mineurs, lorsqu’il est entendu au cours de la
procédure ou de l’enquête.
L’audition des enfants victimes peut être filmée
par enregistrement audiovisuel. Cette nouvelle disposition permet notamment
d’éviter des auditions successives de l’enfant dont
le caractère traumatisant pour l’enfant a souvent été
révélé.».
Formation des membres de l’appareil judiciaire aux droits de l’enfant
55. Dans sa note préliminaire, le Rapporteur spécial soulignait
que le manque de ressources, de formation et de spécialisation
dont souffraient les juges et les avocats s’occupant d’affaires
de sévices sexuels contre des enfants faisait que les droits
de l’enfant impliqué dans les poursuites judiciaires n’étaient
parfois pas suffisamment protégés et qu’il s’ensuivait
que les enfants concernés risquaient souvent de continuer à
subir des sévices. Le Ministère de la justice a reconnu
que la majorité des magistrats s’occupant de ce type d’affaires
avaient été formés à une époque où
l’on n’attachait pas l’importance voulue à
la question des abus sexuels sur enfant et qu’une formation en
la matière devait désormais faire partie intégrante
de leur formation professionnelle supérieure. Le processus est
engagé mais il est probable qu’un certain temps s’écoulera
avant que ses résultats ne deviennent perceptibles.
56. Dans sa réponse en date du 3 avril, le Gouvernement a fait
valoir ce qui suit:
«L’École nationale de la magistrature est mobilisée
sur cette problématique et organise des sessions de formation
continue sur ce thème afin que l’enregistrement audiovisuel
assure pleinement son rôle initial, à savoir la diminution
du nombre d’auditions des mineurs victimes, qui peuvent être
particulièrement traumatisantes.».
57. Le Gouvernement a signalé qu’au stade de la formation
initiale dispensée à l’École nationale de
la magistrature, à Bordeaux, les auditeurs de justice bénéficient
lors de leur scolarité (neuf mois) d’une formation de base
en matière de psychologie de l’enfant et d’abus sexuels,
de maltraitance physique et psychologique, formation dispensée
par des experts judiciaires, médecins hospitaliers, psychiatres
et psychologues. Durant leur stage en juridiction (12 mois), les futurs
magistrats sont conduits à appréhender la situation des
enfants victimes au travers de toutes les fonctions judiciaires.
Professionnels de la santé et autres professionnels travaillant
avec les enfants
58. Le Rapporteur spécial est préoccupé non seulement
par la vulnérabilité particulière des parents,
en particulier des mères, qui intentent des actions en justice
à l’encontre d’auteurs présumés d’abus
sur leurs enfants, mais aussi par la situation des professionnels de
la santé soucieux de protéger un enfant ou appelés
à déterminer la véracité d’allégations
d’abus sexuels en procédant à un examen médical
ou psychiatrique de l’enfant.
59. Dans sa note préliminaire, le Rapporteur spécial constatait:
«Les personnes qui soupçonnent et signalent des cas de
sévices à enfant peuvent se voir accuser de mentir ou
de manipuler les enfants concernés et risquent des poursuites
ou des sanctions administratives pour diffamation si leurs allégations
n’aboutissent pas à des poursuites suivies de la condamnation
de l’auteur présumé des sévices. En particulier,
les professionnels de la santé encourent des risques dans ce
domaine et rien n’indique que les médecins bénéficient
de l’aide et du soutien du Conseil national de l’Ordre des
médecins.» (par. 14). Le Rapporteur spécial tient
à reformuler son constat pour préciser que les personnes
se trouvant dans cette situation s’exposent à des poursuites
non pas pour «diffamation» mais pour «dénonciation
calomnieuse». Il a recommandé que le Conseil national de
l’Ordre des médecins revoie de toute urgence ses procédures
de façon à soutenir au lieu de les condamner les médecins
qui font part de leurs soupçons de sévices à enfant.
60. Le Conseil national de l’Ordre des médecins a adressé
au Rapporteur spécial une lettre, en date du 19 mars 2003, dans
laquelle il déplore que le Rapporteur spécial n’ait
pas pris contact avec l’Ordre pour vérifier la véracité
de son information.
61. Dans une lettre adressée au Conseil national de l’Ordre
des médecins, en date du 23 mai 2003, le Rapporteur spécial
a présenté ses excuses pour n’avoir pu rencontrer
les représentants de l’Ordre national des médecins
lors de sa venue en France en raison de la surcharge de son emploi du
temps lors de sa courte visite de trois jours à Paris. Il a remercié
à nouveau le Conseil de l’Ordre des informations qu’il
lui avait adressées en janvier 2002 et sur lesquelles il s’était
pour une bonne part fondé pour se forger une opinion. Il a invité
les praticiens à lui transmettre toutes informations pertinentes.
62. Dans sa lettre, le Conseil national de l’Ordre des médecins
signalait au Rapporteur spécial qu’aux termes de l’article
44 du Code de déontologie médicale lorsqu’un médecin
discerne qu’une personne auprès de laquelle il est appelé
est victime de sévices ou de privations, il doit mettre en œuvre
les moyens les plus adéquats pour la protéger en faisant
preuve de prudence et de circonspection. S’il s’agit d’un
mineur de 15 ans ou d’une personne qui n’est pas en mesure
de se protéger en raison de son âge ou de son état
physique ou psychique, il doit, sauf circonstances particulières
qu’il apprécie en conscience, alerter les autorités
judiciaires, médicales ou administratives.
63. En revanche, lorsqu’il rédige le certificat de signalement
destiné au Procureur, le médecin ne peut signaler que
les faits authentiquement constatés par lui et ne peut désigner
le coupable présumé de la maltraitance que telle ou telle
personne lui signale. Il ne peut que citer, comme lui ayant été
rapportées et avec la prudence nécessaire, les déclarations
de la victime ou d’un tiers. Le médecin doit pouvoir rester
un témoin neutre et impartial dans ces circonstances souvent
dramatiques, ceci dans l’intérêt à la fois
(son témoignage doit pouvoir faire foi) de la victime et de la
justice.
64. Dans sa réponse, en date du 3 avril 2003, le Gouvernement
fait observer ce qui suit:
«La recommandation présentée [par le Rapporteur
spécial] apparaît périmée dans la mesure
où la loi du 17 janvier 2002 prévoit que “aucune
sanction disciplinaire ne peut être prononcée du fait de
signalement de sévices par le médecin aux autorités
compétentes dans les conditions prévues au présent
article”. Le Conseil national de l’Ordre a diffusé
à cet effet en date du 25 février 2002 à l’ensemble
des présidents et secrétaires généraux des
conseils régionaux de l’Ordre une note destinée
à informer l’ensemble des médecins des nouvelles
dispositions législatives.
En dépit de son obligation au secret, dont la violation est réprimée
à l’article 226 13 du Code pénal, le médecin,
comme tout citoyen, doit dénoncer au Procureur de la République
les crimes dont il peut avoir connaissance à l’occasion
de l’exercice de ses activités professionnelles et ne peut
faire l’objet à ce titre de sanctions disciplinaires (loi
du 17 janvier 2002: “aucune sanction disciplinaire ne peut être
prononcée du fait de signalement de sévices par le médecin
aux autorités compétentes dans les conditions prévues
au présent article”).».
65. En avril 2003, le Rapporteur spécial a reçu un exemplaire
d’une pétition adressée en août 2003 au Ministre
de la santé et au Ministre de la justice, par 157 médecins,
en particulier des pédiatres, dont 32 chefs de service ou département
et 22 universitaires ou médecins hospitaliers. Dans cette pétition,
les signataires se plaignent de ne plus pouvoir faire leur travail de
dépistage des enfants faisant l’objet de sévices
sexuels car il devient dangereux pour eux d’alerter les autorités
judiciaires. Ils y constatent que des médecins continuent à
faire l’objet de poursuites et de condamnations disciplinaires
par le Conseil de l’Ordre alors que s’abstenir volontairement
de signaler afin d’éviter des poursuites et des condamnations
disciplinaires en justice revient à prendre le risque d’être
condamné pour le délit de non-assistance à personne
en danger et que par conséquent des enfants risquent de continuer
à subir des sévices sexuels et d’être contraints
d’attendre leur majorité pour déposer leur plainte.
66. Dans cette pétition il est en outre demandé de changer
de toute urgence la loi et d’adopter des mesures claires de protection
juridique des médecins et professionnels de l’enfance maltraitée
- en particulier il y est demandé que la modification de l’article
L.4124 6 du Code de la santé publique promulguée le 17
janvier 2002 soit supprimée et que soient interdites non seulement
toutes actions disciplinaires mais toutes actions en justice à
l’encontre de tous professionnels de l’enfance qui, de bonne
foi, alertent les autorités judiciaires.
IV. VISITE DU CENTRE POUR ENFANTS DE CHAMBON
67. Le Rapporteur spécial a visité le centre pour enfants
de Chambon, dans la région de Saint Étienne, qui peut
accueillir jusqu’à 130 enfants retirés à
leur famille pour divers motifs, dont les abus sexuels. Situé
dans un cadre agréable et amical, ce centre est doté de
deux maisons pour enfants ainsi que d’une maison familiale où
les parents d’un enfant peuvent lui rendre visite et séjourner
avec lui - sous supervision. Le centre accueille des enfants de tous
les âges - de la naissance jusqu’à la majorité
- et est équipé d’unités de logement individualisées
pour les enfants les plus âgés et les jeunes majeurs afin
de leur permettre de faire l’apprentissage de l’autonomie.
68. Quelque 80 % des enfants accueillis au centre de Chambon y sont
placés sur décision du tribunal pour enfants du tribunal
de grande instance du Puy en Velay; 92 % de ces enfants sont issus de
familles vivant dans le département de la Haute-Loire, tandis
que les autres viennent des départements limitrophes - Ardèche
et Loire. Il existe toutefois une liste d’attente et le centre
ne peut satisfaire qu’une demande sur dix.
69. Des membres du personnel ont indiqué qu’en cas d’allégations
d’abus sexuels corroborées par le témoignage de
l’enfant, la justice pouvait intervenir très rapidement
pour protéger l’enfant et instruire l’affaire. En
cas de signalement d’une suspicion d’abus sexuels, le magistrat
du tribunal pour enfants diligente une enquête et ordonne des
auditions en présence d’éducateurs et de médecins.
En cas d’urgence, le personnel scolaire peut placer un enfant
avant que le juge ne rende sa décision.
70. Les membres du personnel ont indiqué que le nombre des signalements
d’abus sexuels au sein de la famille avait augmenté au
cours des dernières années. Certains signalements s’étaient
révélés fallacieux mais dans la majorité
des cas ils ne l’étaient pas. Certains cas d’abus
sexuels ne sont pas dépistés avant que l’enfant
n’entre dans l’adolescence et commence à parler des
abus dont il a été victime dans son enfance avant d’être
placé au centre.
71. Parmi les autres problèmes sociaux motivant le placement
d’enfants dans ce centre figurent la maltraitance physique et
affective, l’alcoolisme ou la maladie mentale d’un membre
de la famille.
V. CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS
Concernant la vente et la traite d’enfants et la prostitution
enfantine
72. Certaines des conclusions et recommandations ci après figuraient
déjà dans la note préliminaire du Rapporteur spécial
sur sa mission en France (E/CN.4/2003/79/Add.2) soumise à la
Commission des droits de l’homme à sa cinquante neuvième
session.
73. Des enfants entrent en France ou transitent par ce pays pour se
livrer au vol, à la mendicité ou à la prostitution.
Un grand nombre d’entre eux sont victimes de la traite, tandis
que d’autres voyagent de leur plein gré - certains tombant
par la suite dans des réseaux de traite. La majorité de
ces enfants viennent d’Europe orientale - notamment de Roumanie
- et d’Afrique de l’Ouest.
74. Le Gouvernement français s’attache à collaborer
avec les gouvernements des pays d’origine de ces enfants. De bonnes
relations de coopération ont été établies
avec les autorités roumaines et les forces de police des deux
pays œuvrent de concert pour assurer la protection de tout enfant
renvoyé en Roumanie. Des ONG indiquent que les accords conclus
entre la France et la Roumanie dans ce domaine semblent fonctionner.
Le Rapporteur spécial a recommandé que des mesures soient
prises en vue d’instaurer le même degré de coopération
avec les autorités de tous les autres principaux pays dont sont
originaires les enfants victimes de traite.
75. S’agissant des zones d’attente implantées dans
les aéroports français, depuis lesquelles les enfants
faisant l’objet d’un trafic peuvent, selon certaines indications,
être renvoyés directement dans le pays dont ils sont venus,
souvent en affrontant de grands dangers, un vide juridique semble régner
auquel il faut remédier. La protection juridique spéciale
dont bénéficient les mineurs en vertu de la loi française
doit être étendue à tous les enfants arrivant en
France, sans considération des circonstances de leur arrivée.
76. La prostitution serait en rapide expansion, mais l’utilisation
régulière de mineurs est un phénomène relativement
récent et une nouvelle législation prévoyant l’arrestation
des clients des enfants prostitués a été adoptée.
Le Rapporteur spécial salue le souci du Gouvernement français
de ne pas traiter comme des délinquants les enfants concernés
- en s’abstenant de les placer en détention - et reconnaît
les difficultés qu’éprouve le Gouvernement à
mettre ces enfants à l’abri de la prostitution.
77. De nombreux enfants étrangers se livrent à la prostitution.
La plupart des enfants prostitués sont sous la coupe de proxénètes,
dont certains vivent à l’étranger, d’où
ils contrôlent la prostitution par téléphone portable,
utilisant généralement un enfant plus âgé
pour superviser les jeunes victimes.
78. Pour ce qui est du tourisme sexuel à caractère pédophile,
le Gouvernement français prend des mesures pour réprimer
la commission de ce type de délits à l’étranger
par des citoyens français. Il a ainsi adopté une législation
d’application extraterritoriale pour accroître les chances
d’arrêter et de traduire en justice les auteurs de tels
délits. Tous les représentants du Gouvernement français
à l’étranger ont reçu pour instructions de
collaborer avec la police locale dans des affaires de ce type. Aucune
indication ne fait état de l’existence d’un tourisme
sexuel en France.
79. S’agissant de l’adoption internationale, environ 3 000
enfants sont adoptés en France chaque année. La procédure
régissant ces adoptions est devenue plus stricte, conformément
aux obligations contractées par la France en vertu de la Convention
de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en
matière d’adoption internationale. La France ne semble
pas touchée par le phénomène de la vente d’enfants
par le canal de l’adoption. Depuis sa visite, l’attention
du Rapporteur spécial a été appelée sur
le cas de deux enfants originaires de République centrafricaine
adoptés par des parents français qui ont par la suite
été amenés à penser que ces enfants avaient
en fait des parents et un foyer dans leur pays d’origine et pourraient
avoir été victimes d’une vente aux fins d’adoption.
Au moment de la rédaction du présent rapport, le Rapporteur
spécial tentait d’obtenir des renseignements plus détaillés
sur cette affaire.
80. Le Gouvernement français a adressé au Rapporteur spécial
une lettre, en date du 4 avril 2003, dans laquelle il répondait
à la note préliminaire du Rapporteur, lui sachant gré
d’avoir porté un constat globalement positif sur les actions
menées par les autorités françaises dans plusieurs
domaines liés aux objectifs de sa mission et lui fournissant
certaines informations supplémentaires ainsi que des éclaircissements.
Au sujet de la prostitution, le Gouvernement français y fait
observer qu’un «certain nombre d’indications avancées
par le Rapporteur spécial (“il semblerait que la prostitution
connaisse une croissance rapide”, “de nombreux enfants étrangers
sont impliqués dans la prostitution”) n’apparaissent
pas fondées sur des éléments chiffrés ou
statistiques et ne correspondent pas à la réalité
par nous constatée». Le Rapporteur spécial souligne
que ces indications lui ont été fournies au cours de sa
visite par des interlocuteurs gouvernementaux - en particulier des policiers
- et non gouvernementaux, tout en reconnaissant qu’il importe
de réaliser des études en vue de recueillir des chiffres
et des statistiques comparatives pour donner aux autorités les
moyens de déterminer l’ampleur du problème et de
continuer à définir en toute connaissance de cause des
ripostes et politiques adéquates pour remédier à
la situation.
Concernant la pornographie enfantine et les sévices sexuels sur
enfant
81. Dans sa note préliminaire, le Rapporteur spécial indiquait
qu’il ne considérait pas que les sévices sexuels
sur enfant constituaient un phénomène plus courant en
France que dans d’autres pays européens. Cela étant,
l’existence d’un lien entre sévices sexuels sur enfant
et utilisation d’enfants aux fins de la production de matériel
pornographique est une question particulièrement complexe et
les personnes en faisant état sont bien souvent accusées
d’allégations mensongères. Le Rapporteur spécial
constate pourtant que de nombreuses personnes ayant une responsabilité
dans la protection des droits de l’enfant, en particulier dans
le système judiciaire, continuent de nier l’existence et
l’ampleur de ce phénomène et sont incapables d’admettre
que nombre d'allégations d’abus sexuels puissent être
vraies, accusant les personnes formulant de pareilles allégations
d’avoir des arrière pensées politiques. Certaines
mères, ONG et autres parties concernées sont quant à
elles certes très promptes à imputer l’incapacité
de certains éléments de l’appareil judiciaire à
les aider au fait que ces éléments seraient eux-mêmes
impliqués dans des réseaux pédophiles. Le degré
de méfiance et de suspicion de part et d’autre est à
l’heure actuelle tel que - même si le Rapporteur spécial
a décelé une véritable volonté de la part
de certains individus de répondre à ces préoccupations
pour le bien des enfants - des progrès sensibles ne sont guère
envisageables, à moins qu’une collaboration ne puisse s’instaurer
entre le Gouvernement, l’appareil judiciaire, les ONG et les victimes.
82. À ce propos, le Rapporteur spécial accueille avec
satisfaction l’information transmise par le Ministre délégué
à la famille selon laquelle un projet de loi prévoyant
la mise en place d’un observatoire national de l’enfant
maltraité a été présenté en 2003
et débouchera sur l’institution d’un réseau
national d’aide aux enfants, qui donnera lieu à une collaboration
coordonnée entre policiers, médecins et autres groupes
professionnels concernés.
83. Le Rapporteur spécial remercie le Gouvernement français
pour les informations détaillées qu’il lui a transmises
au sujet des procédures judiciaires et de la formation dispensée
aux juges et aux procureurs pour les préparer à travailler
avec les enfants et il recommande que tous les magistrats, y compris
ceux en activité depuis de nombreuses années, suivent
cette formation. À cet égard, des ressources adéquates
devraient être affectées à l’appareil judiciaire
aux fins de la formation relative aux droits de l’enfant.
84. Lorsqu’une action pénale est engagée contre
l’auteur présumé d’abus, il ne peut en principe
être statué au civil sur la garde et les droits de visite
avant la conclusion de la procédure pénale. Le Gouvernement
a indiqué au Rapporteur spécial que lorsque des faits
de sévices sexuels ou de pornographie sont dénoncés
par un parent au cours d’une procédure civile, une étroite
collaboration s’instaure entre les magistrats saisis des procédures
civiles et pénales. Il a cependant été signalé
au Rapporteur spécial que tel n’était pas le cas
dans la pratique, ce qui avait pour résultat qu’un enfant
pouvait se retrouver contraint de passer du temps, souvent sans supervision,
avec une personne faisant l’objet d’une enquête pénale
pour abus à son encontre.
85. À l’heure actuelle, lorsqu’un enfant demande
à être entendu par un juge sa requête ne peut en
principe être refusée que sur décision spécialement
motivée, mais dans la pratique - selon certaines indications
- la plupart des juges ne sont guère enclins à entendre
les enfants. Le Rapporteur spécial recommande que tout juge soit
tenu d’entendre tout enfant qui souhaite être entendu. À
ce propos, le Rapporteur spécial tient à rappeler que
l’article 12 de la Convention relative aux droits de l’enfant
consacre le droit de l’enfant d’exprimer son opinion et,
notamment, «la possibilité d’être entendu dans
toute procédure judiciaire ou administrative l’intéressant».
Le Rapporteur spécial comprend combien il importe d’éviter
qu’un enfant ne soit obligé de répéter ses
allégations à plusieurs reprises, même s’il
importe davantage encore de prendre au sérieux et de croire un
enfant qui parle de sévices.
86. Le Rapporteur spécial recommande d’appliquer «le
principe de précaution» pour toutes les procédures
judiciaires dans le cadre desquelles sont formulées des allégations
d’abus sexuels sur enfant, la charge de la preuve devant reposer
sur la partie qui entend démontrer que l’enfant n’est
pas exposé à un risque d’abus. Le droit de visite
de l’auteur présumé d’abus devrait s’exercer
sous supervision jusqu’à ce qu’il ait été
statué sur la véracité des allégations et
lorsqu’un enfant a clairement exprimé le souhait - en présence
de professionnels des droits de l’enfant compétents et
qualifiés - de ne pas passer de temps avec l’auteur présumé
d’abus, ce souhait devrait être respecté.
87. Des enquêtes complètes et impartiales doivent être
menées à l’encontre des auteurs présumés
de sévices, en particulier lorsque les expertises médicales,
les évaluations des psychologues et les rapports des travailleurs
sociaux étayent les allégations de sévices sexuels.
88. Le Gouvernement français devrait transmettre officiellement
le CD ROM «Zandvoort» à INTERPOL aux fins d’examen
et de confirmation de l’âge des photos qui y sont contenues.
89. Le Rapporteur spécial tient à recommander à
nouveau qu’un organe indépendant mène de toute urgence
une enquête sur les carences de la justice à l’égard
des enfants victimes de sévices sexuels et des personnes essayant
de les protéger. Dans sa réponse, le Gouvernement français
a indiqué que la Commission nationale consultative des droits
de l’homme n’avait pas mandat de mener des enquêtes
mais pouvait conduire des études ou donner des avis et qu’elle
venait d’engager une réflexion dans la voie recommandée
par le Rapporteur spécial. Le Rapporteur se félicite de
ce fait nouveau et estime vital que pareille réflexion soit menée
publiquement sur ces questions aussi délicates que sensibles.
90. Le Rapporteur spécial espère avoir apporté
des éléments judicieux au nécessaire examen public
de ces importants sujets de préoccupation et invite le Gouvernement
français et les membres de la société civile à
continuer de lui communiquer des informations sur les faits nouveaux
pertinents en la matière.
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