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Droit Fondamental

Cour de CassationLettre qui provoqua la démission du gouvernement belge !

Note annoncée dans la lettre du 18 décembre 2008 du premier président de la Cour de cassation, adressée à M. Herman Van Rompuy, président de la Chambre des représentants.

1. Remarques préalables
1.1. La présente note porte exclusivement sur le déroulement de la procédure dans "l'affaire Fortis", telle qu’elle est instruite devant la cour d'appel de Bruxelles. Elle ne concerne donc pas la procédure instruite devant Mme la présidente du tribunal de commerce de Bruxelles, siégeant en référé.

Le premier président de la Cour de cassation ne dispose d'aucune information sur le déroulement de la procédure en première instance et n’a de surcroît légalement pas le droit de contrôler les tribunaux de commerce ni les magistrats du ministère public.

1.2. La question de la régularité de l'arrêt prononcé le 12 décembre par la 18e chambre de la Cour d'appel de Bruxelles ne peut – pour faire diversion – devenir l’objet du débat.

Cette décision est susceptible de recours, à savoir un pourvoi en cassation, et le dernier mot à ce sujet revient à la Cour de cassation.

Dans la mesure où je suis le chef de corps de la juridiction qui devra connaître d'un éventuel pourvoi en cassation, je ne puis bien entendu pas davantage me prononcer sur la validité de l'arrêt précité, et la loi et la déontologie m'interdisent dès lors de répondre aux critiques éventuellement formulées à cet égard.

2. Un cadre chronologique général.
L’affaire Fortis est plaidée devant la Cour d’appel de Bruxelles lors des audiences des 27 et 28 novembre et prise en délibéré le 1er décembre. Suivant les mentions du procès-verbal de l’audience du 1er décembre, le prononcé de l’arrêt est fixée au 15 décembre « au plus tard ». Le jeudi 11 décembre 2008, aux environs de 15 h 30, la « Société fédérale de Participation et d’Investissement » dépose au greffe de la cour d’appel de Bruxelles une requête en réouverture des débats.

L’arrêt est rendu le 12 décembre 2008 par le Président de la chambre seul, M. Blondeel, conformément à l’article 782bis du Code judiciaire.

3. Les informations obtenues auprès de la Chancellerie du Premier ministre.
3.1. Il ressort de la lettre du 17 décembre 2008 adressée par le Premier ministre, M. Leterme, au ministre de la Justice, M. Jo Vandeurzen, que la Chancellerie du Premier ministre, et plus précisément le chef de cabinet, M. Hans D’Hondt, apprend, dans le courant du 11 décembre 2008, « qu’un brusque changement serait intervenu dans la prise de décision relative au dossier Fortis », que ce dossier « pourrait connaître un revirement dramatique » et qu’un des trois conseillers siégeant dans cette affaire ne peut marquer son
accord sur la décision qui se prépare.

Dans le contexte général de cette affaire et eu égard, notamment, au point de vue adopté par le gouvernement dans le dossier Fortis, il ne pouvait, à ce moment, naître le moindre malentendu quant à la portée de cette information, à savoir qu’une révision de l’ordonnance du 18 novembre 2008 de Madame la Présidente du Tribunal de commerce de Bruxelles, siégeant en référé, était attendue.

Il s’agissait par conséquent d’informations extrêmement sensibles, dès lors que le gouvernement, si pas directement du moins indirectement par l’intermédiaire de la Société fédérale de Participation et d’Investissement, avait intérêt à l’aboutissement définitif de la procédure judiciaire et qu’il était donc partie concernée.

À cet égard, il y a également lieu de tenir compte du fait que le destinataire des messages, M. Hans D'Hondt, est non seulement président de la Chancellerie du premier ministre, mais en outre directement lié à l'une des parties litigantes, à savoir la Société fédérale de participations et d'investissement.

Il s'agissait également d'une information confidentielle qui n'a pu être diffusée, ainsi qu'il ressort de la lettre du premier ministre datée du 17 décembre 2008, que parce que l'un des magistrats du siège de la Cour d'appel a visiblement violé le secret professionnel, et plus particulièrement, le secret du délibéré, fait qui est punissable en vertu de l'article 458 du Code pénal.

3.2. Dans la lettre précitée du premier ministre, il est indiqué que: "Aucune suite n'a été donnée à l'information fournie oralement à ma cellule stratégique à l'occasion de tous ces contacts téléphoniques".

Or, conformément à l'article 29 du Code d'instruction criminelle, toute autorité constituée, tout fonctionnaire ou officier public, qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquerra la connaissance d'un crime ou d'un délit, sera tenu d'en donner avis sur-le-champ au procureur du Roi près le tribunal dans le ressort duquel ce crime ou délit aura été commis ou dans lequel l'inculpé pourrait être trouvé, et de transmettre à ce magistrat tous les
renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs.

Si l'on avait donné immédiatement suite à cette obligation légale, toute ambiguïté aurait été immédiatement impossible et l'on aurait coupé court à toute spéculation future éventuelle. Il est pratiquement impensable que l'on ne se soit pas rendu compte, à la Chancellerie du premier ministre, de la gravité d’une fuite d'informations protégées par le secret professionnel et des conséquences potentielles de celle-ci sur la poursuite du règlement de l'affaire Fortis.

3.3. Les possibilités d'investigation limitées dont dispose en la matière le premier président de la Cour de cassation ne permettent pas de vérifier si, effectivement, « aucune suite n'a été donnée » aux informations fournies. Il n'en demeure pas moins qu’un certain parallélisme saute immédiatement aux yeux. Le compte rendu des faits figurant dans la lettre du premier ministre du 17 décembre permet de déduire avec une vraisemblance proche de la certitude que les derniers contacts téléphoniques entre M. D’Hondt et M. De Groof ont eu lieu le jeudi 11 décembre 2008 à la mi-journée.

Cette même après-midi, à 15 h 30, peu avant la fermeture du greffe, les conseils de la « Société fédérale de participation et d'investissement » déposent une requête en réouverture des débats.

La partie litigante précitée justifie cette requête par le fait qu'elle dispose d'une pièce nouvelle et capitale (article 772 du Code judiciaire), à savoir une décision du 3 décembre 2008 de la Commission européenne concernant « l'aide à la restructuration de Fortis Banque et de Fortis Banque Luxembourg ». Cette pièce avait déjà été transmise le 4 décembre 2008 au ministre des Affaires étrangères, Karel De Gucht.

Il ne faut pas perdre de vue que l'affaire avait déjà été prise en considération le 1er décembre et que la décision était prévue pour le 15 décembre au plus tard, de sorte que la partie requérante a indéniablement disposé d’un temps suffisant pour prendre une telle initiative de procédure plus tôt.

On ne peut que constater que cette initiative a été prise à un moment où l’on savait ou pouvait savoir que la dix-huitième chambre de la Cour d’appel se trouvait dans une « situation de blocage », dès lors que l’un de ses magistrats n’était pas disposé à s’incliner devant le résultat du délibéré.

Cette intervention au niveau de la procédure a au moins permis que la Cour d’appel de Bruxelles ne puisse pas rendre en définitive de décision comme prévu le 15 décembre 2008 au plus tard et, sans doute, que toute cette affaire doive être réexaminée.

4. Intervention du procureur général près la Cour d’appel de Bruxelles à la demande du ministre de la Justice
4.1. Le vendredi 12 décembre, je me suis entretenu, en début d’après-midi, avec M. Guy Delvoie, premier président, qui m’a informé des développements de l’affaire Fortis, en particulier du refus du conseiller Schurmans de signer l’arrêt, de son absence consécutive, pour cause de maladie, annoncée jusqu’au 22 décembre, et du dépôt, la veille, d’une demande de réouverture des débats.

On précisera, par souci de clarté, que ce contact était tout à fait régulier dans le cadre du droit de surveillance sur les cours d'appel conféré à la Cour de cassation par l’article 398 du Code judiciaire. À aucun moment, il n’a été question du fond de cette affaire. Seules des questions de procédure ont été abordées.

Considérant que le délibéré relatif à la réouverture des débats ne pouvait manifestement pas être entamé et que l’urgence (procédure de référé) empêchait que l’on attende le retour du conseiller Schurmans de son congé de maladie pour délibérer au sujet de la demande de réouverture des débats, j’ai conseillé de prononcer un arrêt de réouverture des débats avec un siège complété par un troisième conseiller pour les motifs précités.

Les débats seraient ainsi rouverts pleinement le lundi 15 décembre devant un siège identique à celui qui ordonnerait l’arrêt de réouverture. Les parties plaideraient naturellement à nouveau et le ministère serait entendu.

Entre-temps, le procureur général de le Court avait été trouver le premier président Delvoie en annonçant qu’il avait entrepris cette démarche à la demande du ministre de la Justice, sans toutefois indiquer, à ce moment, que cette démarche se fondait sur l’article 140 du Code judiciaire, en vertu duquel le ministère public veille à la régularité du service des cours et tribunaux.

Le procureur général a insisté pour que l’affaire soit reprise dans son intégralité avec un siège composé tout à fait différemment. Le premier président Guy Delvoie ne pouvait pas marquer son accord sur cette solution, non seulement parce que cette solution est inhabituelle en pareil cas, mais aussi parce qu’on aurait ainsi à tout le moins donné l’impression que les deux autres magistrats du siège étaient écartés du dossier, ce qui ne se justifiait nullement.

Les deux magistrats de la 18e chambre de la Cour d’appel de Bruxelles ont apparemment pu se ranger à notre avis qui leur a été transmis par leur chef de corps, de sorte que, dans l’intervalle, et malgré l’intervention précitée, tout a été matériellement préparé pour agir conformément à ce que j’avais recommandé. C’est ainsi qu’un troisième conseiller a été convoqué, que le ministère public (en la personne de l’avocat général Morlet) a été averti et que la rédaction d’un arrêt de réouverture des débats a même été entamée. Les conseils ont
été prévenus qu’un jugement interlocutoire serait rendu dans l’après-midi, vers 16 heures.

À ce moment, vers 16h, le procureur général, M. de le Court, est de nouveau allé trouver le premier président, M. Delvoie, et, en tenant à la main la plainte manifestement irrecevable que le conseiller Schurmans avait entre-temps déposée auprès de lui et de moi-même contre le premier président et président de la chambre, M. Blondeel, il a menacé que le ministère public fasse mention de la plainte précitée lors de l’audience au cours de laquelle les débats seraient rouverts.

Il va de soi que cette intervention entraînerait immédiatement le dépôt d’une requête en récusation des conseillers Blondeel et Salmon. Le fait que, le vendredi 12 décembre au soir, les avocats de la « Société fédérale de participation et investissement » avaient déjà préparé une telle requête prouve d’ailleurs qu’il ne s’agit pas là d’une pure supposition.

Après cette deuxième intervention du procureur général, M. de le Court, qui a été perçue par les conseillers Blondeel et Salmon comme une pression illicite pour les retirer de l’affaire, ces derniers ont décidé de tout de même prononcer un arrêt au fond, estimant que c’était la seule manière de ne pas céder à la pression.
L’intervention du procureur général, M. de le Court, a dès lors contrecarré mon avis et fortement compliqué les choses, avec toutes les conséquences qui s’ensuivent.

4.2. Par lettre du 17 décembre 2008, le ministre de la Justice, M. Vandeurzen, m’a fait savoir que l’intervention du procureur général près la Cour d’appel de Bruxelles reposait sur l’article 140 précité du Code judiciaire.

Sur la base de quelles informations le ministre de la Justice a-t-il pris une telle initiative ?

Dans la lettre du 17 décembre qui m’était adressée, il était indiqué que la cellule stratégique du ministre de la Justice avait été prévenue, le vendredi 12 décembre 2008 vers midi, du fait qu’ « il se présentait des problèmes en ce qui concerne le bon déroulement de la procédure ». (traduction)

Dans sa lettre du 18 décembre 2008, le ministre de la Justice, M. Vandeurzen, stipule qu'à une heure non précisée, il a été informé par le cabinet du premier ministre que les avocats de l'État belge (?) avaient fait état de possibles irrégularités de procédure relatives à une audience imminente qui devait se tenir dans l'après-midi (12 décembre) devant la chambre de la cour d'appel chargée d'examiner la procédure en appel relative à l'affaire Fortis. Le ministre de la Justice précise qu'il tient cette explication de M. Hans D’Hondt qui, à son tour, en avait été informé par les avocats de l'État belge "soit directement, soit par l'intermédiaire du cabinet du vice-premier ministre Reynders".

Je peux uniquement prendre acte de ce point de vue, mais il n'existe que deux possibilités:

- ou bien le ministre de la Justice a été tenu à l'écart de l'information (cf. les contacts entre la Chancellerie et l'époux de la conseillère Schurmans) qui l'aurait peut-être incité à agir avec prudence, voire à faire application de l'article 29 du Code d'instruction criminelle;

- ou bien cette information lui a bien été transmise, auquel cas le ministre de la Justice aurait dû lui-même faire la dénonciation en vertu de la disposition légale précitée, et n'aurait certainement pas pu invoquer l'article 140 du Code judiciaire sans s'exposer à une présomption de tentative d'influence.

4.3. Si l’on considère que l’intervention du procureur général près la Cour d’appel de Bruxelles se fonde effectivement sur l’article 140 du Code judiciaire, il convient en tout état de cause de relever :

- que cette initiative a été prise sur l’indication de la Chancellerie du Premier ministre dans une affaire dans laquelle l’État belge a à tout le moins un intérêt (voir supra), alors que le ministre de la Justice écrit lui-même dans sa lettre du 18 décembre, adressée notamment à mon office, qu’il a toujours été conscient du fait que le gouvernement est partie prenante dans un dossier dont est saisie la justice.

- le recours à l’article 140 du Code judiciaire était en tout état de cause superflu, étant donné que l’affaire a manifestement été suivie par les avocats de « l’État belge ». Ainsi, si le but était uniquement de recueillir des informations, les conseillers auraient parfaitement pu jouer le rôle naturel qui est le leur dans une procédure judiciaire, en informant l’ « État belge ».

- le fait, pour le ministre de la Justice, de se prévaloir de l’article 140 du Code judiciaire pour charger le procureur général d’ouvrir sur place une enquête « sur la régularité du service » dans une affaire pendante et prise en délibéré est tout à fait exceptionnel, et à mon avis, sans précédent.

- le contrôle légal exercé par le ministère public sur la régularité du service des cours et tribunaux est une compétence fonctionnelle et autonome du ministère public, de sorte qu’il est permis de se demander si le ministre de la Justice peut « requérir » du ministère public d’exercer un tel contrôle dans une affaire déterminée.

Dans ces circonstances, il a au moins été donné l'impression que, par suite de l'intervention du procureur général, à la demande du ministre de la Justice, les deux magistrats de la 18e chambre ont subi des pressions et que l'on a tenté de faire réexaminer l'affaire par un siège d’une composition totalement différente afin d'éviter ainsi "le revirement dramatique".

4.4. Je prends acte du fait que le procureur général près la Cour d'appel de Bruxelles et le ministre de la Justice s'accordent à dire que le procureur général n'était pas chargé de faire réexaminer l'affaire par un siège d’une composition tout à fait différente.

CONCLUSION
Il va de soi que, compte tenu des limites de mes possibilités d'investigation, ce qui précède n'apporte certes pas de preuve juridique d'une tentative d'entrave à la justice, mais il y a indéniablement des indices importants qui vont dans ce sens.

Fait à Bruxelles, le 19 décembre 2008
Signé:
Ghislain Londers
Premier président de la Cour de cassation

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