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Droit Fondamental

 

Responsabilité pénale des administrateurs

Par Catherine Merolla - Conseillère juridique

Faux et usage de faux

Art. 193, C. pén. Le faux commis en écritures en informatique ou dans les dépêches télégraphiques, avec une intention frauduleuse ou à dessein de nuire, sera puni conformément aux articles suivants.

Art. 196, C. pén. Seront punies (…) les personnes qui auront commis un faux en écritures authentiques et publiques, et toutes personnes qui auront commis un faux en écritures de commerce, de banque ou en écritures privées,

Art. 197, C. pén. Dans tous les cas (…), celui qui aura fait usage de l'acte faux ou de la pièce fausse sera puni comme s'il était l'auteur du faux.

Art. 213, C. pén. L'application des peines portées contre ceux qui auront fait usage des (…) écrits contrefaits, fabriqués ou falsifiés, n'aura lieu qu'autant que ces personnes auront fait usage de la chose fausse, dans une intention frauduleuse ou à dessein de nuire.

Le faux en écritures et l’usage de faux sont deux infractions distinctes réprimées par le Code pénal.

 

Faux en écritures

Il y a faux lorsque l’auteur de l’infraction constitue ou altère, via les moyens déterminés par le Code, un document écrit protégé, avec une intention frauduleuse ou à dessein de nuire, susceptible dès lors de causer un préjudice. Le faux en écritures existe dès que les éléments constitutifs de l’infraction sont réunis, qu’il y ait usage ou non du faux, indépendamment du préjudice subi.

Les éléments constitutifs de l’infraction sont les suivants:

a) Une altération de la vérité: le document écrit doit relater un ou plusieurs faits mensongers, contraires à la vérité. Une simple omission ne suffit pas. Le faux peut être matériel (falsification d’un document existant déjà, par exemple une facture mentionnant d’autres montants que ceux réellement versés) ou intellectuel (constitution d’un écrit relatant une fausse information, tel est le cas des fausses factures ou des contrats fictifs).

b) Cette altération de la vérité doit être contenue dans un écrit protégé par la loi, à savoir un écrit authentique (acte passé devant notaire ou établi par huissier), un écrit public (acte établi par un officier public36), les écritures de commerce (celles déterminées aux articles 2 et 3 du Code

36 Par exemple, les actes administratifs, politiques ou judiciaires.

de commerce37), de banques (actes émis par les banques38) et privées39.

Est visé tout type d’écriture: un document manuscrit, imprimé, photocopié, et même sous format informatique. Par contre, un projet de document ne pourrait être considéré comme un écrit dans le sens du Code pénal, à défaut de signature. Les documents à destination interne à l’entreprise ne peuvent pas non plus être constitutifs de faux. Il est à noter que l’écrit ne peut être constitutif de faux entre parties concernées, seuls les tiers à l’opération susceptibles d’être trompés par l’écrit pourront se prévaloir du fait qu’il s’agit d’un faux.

Une fausse facture adressée à un client et une fausse facture destinée à déduire la TVA illégalement: seule l’administration fiscale - tiers à l’opération - peut se targuer du faux en écriture, pas le client.

c) L’altération d’un document protégé ou la constitution d’un faux doit être réalisée par un des moyens légaux déterminés dans le Code: soit par fausses signatures, soit par contrefaçon ou altération d'écritures ou de signatures, soit par fabrication de conventions, dispositions, obligations ou décharges ou par leur insertion après coup dans les actes, soit par addition ou altération de clauses, de déclarations ou de faits que ces actes ont pour objet de recevoir ou de constater. En sachant que la jurisprudence en a fait une interprétation extensive de manière à ce que tous les modes de falsification possibles soient compris dans l’énumération.

d) Il doit exister un préjudice ou un risque de préjudice. Tel est le cas des faux en écritures destinés à léser l’Etat ou à présenter des comptes favorables afin d’obtenir un emprunt. Peu importe que le préjudice ait eu lieu ou pas.

e) Le faux doit être commis avec une intention frauduleuse ou l’intention de nuire. Il s’agit de l’élément moral de l’infraction, en l’occurrence un dol spécial. L’intention frauduleuse signifie que le faussaire entend se procurer un avantage illicite ou en procurer un à autrui. Par avantage illicite, on entend un avantage que le faussaire (ou un autre bénéficiaire, par exemple l’ASBL) n’aurait pas obtenu autrement. Le dessein de nuire peut viser toute personne physique ou morale matériellement ou moralement (ce cas de figure sera plus rare dans les faits). Pour apprécier l’existence de l’élément moral, le juge doit se placer au moment de la constitution du faux. Peu importe que l’objectif ait été atteint ou pas.

5 Le fait pour un administrateur de rédiger des faux comptes - plus avantageux - afin d’obtenir au profit de l’ASBL un emprunt important.

 

Usage de faux

L’utilisateur du faux en écritures peut être l’auteur du faux ou un tiers. Si l’utilisateur est un tiers, il arrive bien souvent qu’il soit également coauteur ou complice du faussaire.

Les éléments matériels de l’infraction:

a) L’existence d’un faux en écritures tel que défini précédemment.

b) L’utilisation du faux. Le juge détermine ce qu’il faut entendre par "utilisation". Par exemple, la présentation d’un faux bilan par les administrateurs en assemblée générale pour approbation; leur dépôt au greffe…

L’élément moral de l’infraction:

a) L’utilisateur doit avoir eu effectivement connaissance que le document écrit était un faux. On peut également lui reprocher qu’il aurait dû avoir connaissance que le document en question était un faux.

b) L’utilisation du faux doit être comporter un dol spécial: l’utilisateur doit avoir utilisé le faux avec une intention frauduleuse ou à dessein de nuire.

37 Par exemple, les actes de constitution de société, le bilan, les comptes annuels, les factures…

38 Par exemple, les chèques, les ordres de virement…

39 Par exemple, une déclaration de sinistre, un faux certificat médical… A. de Nauw, Initiation au droit pénal spécial, E. Story Scientia, Bruxelles, 1987, p. 34.

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Le faux et l’usage de faux sont punis par une peine de réclusion de cinq à dix ans et une amende de 26 à 2000 euros40.

 

Abus de confiance

Article 491, C. pén.

Quiconque aura frauduleusement soit détourné, soit dissipé au préjudice d’autrui, des effets, deniers, marchandises, billets, quittances, écrits de toute nature contenant ou opérant obligation ou décharge et qui lui avaient été remis à la condition de les rendre ou d’en faire un usage ou un emploi déterminé sera puni (…).

Les éléments constitutifs de l’infraction sont les suivants:

a) Il doit y avoir détournement ou dissipation. Par détournement, on entend la violation du droit de propriété, c’est-à-dire le fait de ne pas restituer le bien en question. Par dissipation, on entend un acte de disposition (vente, mise en gage, consommation, destruction, abandon…).

L’auteur de l’infraction se comporte comme s’il était le propriétaire du bien qui lui est confié.

b) Cette action peut porter sur des biens de différentes natures: soit des biens mobiliers corporels (marchandises…), soit des écrits contenant ou opérant obligation ou décharge (contrat, testament, actions, obligations de société, chèque…).

c) Ces biens ou écrits doivent avoir été remis préalablement et volontairement, à la condition de les rendre ou d’en faire un usage déterminé (ex. remise préalable et précaire dans le cadre d’un contrat de prêt, de dépôt, de location… ou encore dans le cadre de l’exécution d’un contrat de mandat). Cette condition distingue l’abus de confiance du vol. La remise préalable et volontaire d’un bien doit résulter d’un contrat ou d’un lien juridique entre les parties.

d) Le détournement ou la dissipation doit avoir lieu au préjudice d’autrui. Le préjudice ne doit pas être nécessairement subi par le propriétaire de la chose remise32.

e) Cette action doit avoir été commise de manière frauduleuse. Il s’agit de l’élément moral de l’infraction. Le Code prévoit un dol spécial à savoir que l’intention de l’auteur du détournement ou de la dissipation consiste à s’approprier définitivement un bien appartenant à autrui et donc à se comporter comme étant le propriétaire du bien détourné (animus domini)33. Il n’est pas nécessaire que l’auteur de l’infraction ait retiré un avantage personnel de cette infraction.

Ici la notion de "préjudice significatif" n’existe pas. Ce qui permet de poursuivre certains faits comme étant de l’abus de confiance lorsque le préjudice n’est pas suffisamment significatif pour constituer de l’abus de biens sociaux.

Les sanctions prévues par le Code pénal sont l’emprisonnement d’un mois à cinq ans et une amende de 26 à 500 euros.

32 En matière de responsabilité des administrateurs, le détournement ou la dissipation devrait porter préjudice à l’ASBL propriétaire des biens. Voir Bruxelles, 11 juin 1993, J.L.M.B., 1993, p. 1061: la seule circonstance que l'acte posé par un administrateur d'une ASBL servirait directement ou indirectement ses intérêts privés ne suffit pas pour le qualifier d'abus de confiance dès lors qu'il ne serait pas démontré que cet acte va totalement à l'encontre des intérêts de l'ASBL qu'il a mission de gérer.

33 Cass., 1er mars 2000, Pas., I, 2000, 149: En l’espèce, cet administrateur avait prélevé secrètement plusieurs sommes d'argent utilisées à des fins personnelles. Ces prélèvements avaient été opérés sous la forme d'un prêt consenti par le trésorier de l'association. Au-delà des apparences, le prêt dissimulait en réalité un détournement ou une dissipation des biens de la personne morale par un de ses mandataires.

Corruption

Art. 504bis, C. pén.

§ 1er. Est constitutif de corruption privée passive le fait pour une personne qui a la qualité d'administrateur ou de gérant d'une personne morale, de mandataire (Rutsaert) ou de préposé d'une personne morale ou physique, de solliciter ou d'accepter, directement ou par interposition de personnes, une offre, une promesse ou un avantage de toute nature, pour elle-même ou pour un tiers, pour faire ou s'abstenir de faire un acte de sa fonction ou facilité par sa fonction, à l'insu et sans l'autorisation, selon le cas, du conseil d'administration ou de l'assemblée générale, du mandant ou de l'employeur.

§ 2. Est constitutif de corruption privée active le fait de proposer, directement ou par interposition de personnes, à une personne qui a la qualité d'administrateur ou de gérant d'une personne morale, de mandataire ou de préposé d'une personne morale ou physique, une offre, une promesse ou un avantage de toute nature, pour elle-même ou pour un tiers, pour faire ou s'abstenir de faire un acte de sa fonction ou facilite par sa fonction, à l'insu et sans l'autorisation, elon le cas, du conseil d'administration ou de l'assemblée générale, du mandant ou de l'employeur.

L’article 504bis du Code pénal réprime les actes de corruption posés par certains acteurs du secteur privé: administrateur, gérant d'une personne morale, mandataire ou préposé d'une personne morale ou physique.

Il existe deux types de corruption: passive et active.

Il y a corruption passive lorsque l’auteur de l’infraction sollicite ou accepte une offre portant sur un avantage de toute nature ou l’avantage lui-même, pour commettre (ou s'abstenir de commettre = Riquier) un acte sans que les organes de l’association ne soient au courant. La tentative de corruption est donc réprimée pénalement, peu importe à cet égard que la personne sollicitée ait accepté. De même, peu importe, pour la personne qui accepte une offre, que l’acte ait été effectivement posé. Il y a corruption active lorsque l’auteur de l’infraction propose, à une personne occupant un certain poste, une offre portant sur un avantage de toute nature ou l’avantage lui-même, pour commettre (ou s'abstenir de commettre) un acte sans que les organes de l’association ne soient au courant. Ici aussi, peu importe, pour condamner le corrupteur actif, que sa proposition ait été suivie d’effet. Les éléments constitutifs de l’infraction de corruption sont les suivants:

a) Il faut qu’il y ait un acte de sollicitation, de proposition ou d’acceptation. Lorsque la sollicitation sera suivie d’une proposition ou qu’une proposition sera suivie d’une acceptation, il y a circonstance aggravante. L’avantage sollicité, proposé ou accepté peut être destiné à la personne directement ou à un tiers de bonne foi ou non. Il ne doit pas y avoir nécessairement profit personnel. L’offre ou le don d’un avantage doit avoir été déterminant dans la prise de décision du bénéficiaire.

b) L’acte de corruption est défini comme une offre, une promesse ou un avantage de toute nature. Cette définition est très large et elle laisse un grand pouvoir d’interprétation au juge pour déterminer ce qu’est une offre ou une promesse qui entraîne la qualification de corruption. Ces termes impliquent qu’il y a eu un engagement mais pas encore de réalisation concrète. L’offre ou la promesse porte sur un avantage de toute nature: une somme d’argent, une prestation de service, la remise d’un bien soit à la personne corrompue soit à un tiers, ou encore un avantage non patrimonial tel que la réception d’un titre honorifique…, peu importe la valeur de l’avantage.

c) La personne corrompue doit être un administrateur, un gérant de personne morale ou un mandataire ou préposé d’une personne morale ou physique. Le dirigeant de fait n’est pas concerné par ces dispositions pénales34.

d) L’objectif de l’acte de corruption consiste à obtenir (ou empêcher), de la part de la personne corrompue, un acte de fonction ou un acte facilité par sa fonction.

5 Tel est le cas de l’administrateur qui perçoit une somme d’argent pour continuer à conclure des contrats au nom de l’ASBL avec tel ou tel fournisseur (acte posé dans le cadre de sa fonction au sein de l’entreprise) ou du préposé qui transmet des informations confidentielles dont il aurait eu connaissance de manière indirecte (non pas un acte de fonction mais un acte facilité par sa fonction).

Quid des personnes qui n’auraient pas de fonction déterminée au sein de l’association ? Il semblerait impossible de les poursuivre pour chef de corruption35. Cette hypothèse vise, par exemple, les volontaires.

e) L’acte accompli par la personne corrompue doit l’être à l’insu et sans autorisation du conseil d’administration ou de l’assemblée générale, du mandant ou de l’employeur. Cette condition signifie que certains actes ne pourront pas être considérés comme constitutifs de corruption à partir du moment où ils sont connus et autorisés par le ou les organes de l’association.

Toutefois, cette connaissance ou autorisation doit intervenir avant (ou au plus tard en même temps) que l’acte de corruption passive ou active n’ait eu lieu.

Les sanctions prévues sont l’emprisonnement de six mois à deux ans et une amende de 100 à 10.000 euros.

 

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